PROPOSITION DE LOI VISANT A CONVERTIR DES CENTRALES A CHARBON VERS DES COMBUSTIBLES MOINS EMETTEURS EN DIOXYDE DE CARBONE
Disons-le d’emblée : nous soutenons cette proposition de loi qui vise à faciliter la conversion au gaz et au biogaz de la centrale à charbon de Saint-Avold en Moselle d’un côté, et à contraindre EDF à présenter un projet de conversion de la centrale de Cordemais, en Loire-Atlantique, de l’autre.
Dès juillet 2017 et l’annonce du Plan Climat par Nicolas Hulot, nous avions demandé un moratoire sur les fermetures des dernières centrales à charbon, estimant que ces installations pouvaient être ponctuellement nécessaires à la stabilité du réseau électrique lors de pics de consommation.
Mais le temps perdu pour permettre de telles conversions n’est pas le fruit du hasard.
C’est un énième symbole d’une politique énergétique qui se refuse à poser les cadres et les moyens d’une planification publique de long terme, et d’une sortie de l’électricité des logiques de marché.
A la place, nous assistons à une forme de « bricolage permanent », qui touche particulièrement les outils de production pilotable, pourtant les plus déterminants à la stabilité de notre système d’approvisionnement.
Monsieur le Ministre, voilà ainsi bientôt deux ans que nous attendons la loi quinquennale de Programmation Energie-Climat censée fixer les priorités d’action de la politique énergétique nationale.
C’est de ce texte législatif qu’aurait dû découler la déclinaison opérationnelle, la troisième édition de la Programmation Pluriannuelle de l’Energie, la fameuse PPE, pour les dix prochaines années.
Mais, ces dernières années, aucun vote n’a été organisé au Parlement sur ces grandes orientations. Après de nombreux rebondissements, le gouvernement avait confirmé, en avril 2024, choisir la seule voie réglementaire de la PPE et vous vous apprêtez à en publier le décret.
Je commencerai donc par saisir à nouveau l’occasion de ce débat pour vous le redire avec force : il n’est pas acceptable que la politique publique de l’énergie, qui engage l’avenir de nos concitoyens, l’avenir de notre économie, soit décidée par le seul pouvoir exécutif !
Nous avons besoin d’une loi votée par les représentants du peuple, pour fixer notre vision, la cohérence d’ensemble et les moyens que nous entendons mobiliser.
La semaine dernière, vous nous avez promis un simple débat, sans préciser s’il interviendrait avant ou après la publication du décret sur la PPE. Ce n’est pas acceptable.
Cette absence de débat de fond et d’arbitrage de la représentation nationale sur un sujet aussi majeur, en particulier dans le contexte climatique et géopolitique actuel, conduira inévitablement au même pilotage à vue. Nous allons continuer à accumuler les textes sectoriels, comme celui qui nous occupe aujourd’hui. Comme cela a été le cas avec la loi d’accélération sur les renouvelables et celle sur le nucléaire.
Pourtant, il y a aurait beaucoup à dire : que ce soit sur les objectifs de baisse des émissions, sur les trajectoires imprécises de sortie des fossiles, sur l’insuffisance des moyens en faveur de la mobilité propre ou sur la lutte contre la précarité énergétique…
Mon autre interrogation, en lien direct avec ce texte, tient à l’absence de stratégie globale en matière de mobilisation de la biomasse.
Si la conversion au biogaz ou à la biomasse de deux centrales destinées à fonctionner quelques centaines d’heures par an afin de garantir notre sécurité d’approvisionnement ne semble pas incompatible avec nos objectifs globaux de décarbonation, l’absence de vision stratégique dans ce domaine, elle, l’est vraiment.
Comme je l’ai dit en Commission, la ressource en biomasse n’est pas extensible.
On peut même affirmer qu’elle doit faire l’objet d’une attention toute particulière au regard des contraintes de plus en plus grandes du changement climatique sur la croissance des végétaux. Nous aurons besoin de construire une stricte hiérarchisation des usages entre les capacités de conservation de la fertilité de nos sols agricoles, de l’amélioration de notre puits de carbone forestier, de la production de chaleur et de la production résiduelle d’électricité. Le Haut Conseil pour le Climat a une nouvelle fois soulevé cet enjeu dans son dernier avis sur la PPE. Il serait là-aussi plus que temps que nous puissions en débattre sereinement ici, d’autant que les contradictions sont de plus en plus flagrantes dans ce domaine particulier entre les différents scénarios de transition, et avec des acteurs économiques qui veulent mobiliser la ressource à leur profit. Sans même parler du contresens que pourrait constituer la biomasse importée…
Dans l’attente de l’ouverture de ces débats de fond, nous voterons évidemment ce texte attendu par les centaines de salariés concernés, tout comme les habitants et élus des territoires des deux centrales. Je dis bien des territoires, car il est hors de question, dans notre esprit, que le projet de conversion de la centrale de Cordemais qu’EDF doit soumettre d’ici fin 2026 ne soit pas suivi d’effets.
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