Mesures de justice pour limiter les frais bancaires

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En 2024, les cinq grands groupes bancaires français – BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale, BPCE et Crédit Mutuel Arkéa – ont réalisé 32,2 milliards d’euros de bénéfices, en hausse de 11 % par rapport à l’année précédente. Ces résultats impressionnants contrastent violemment avec les difficultés financières croissantes de millions de Français.

D’après une étude de Panorabanques, 45 % des Français se retrouvent à découvert au moins une fois par an, avec un découvert moyen de 223 euros. Pire encore, 22 % de la population – soit environ un Français sur cinq – est à découvert dès le 16 du mois. Les jeunes adultes (18–34 ans) et les parents d’enfants de moins de 15 ans sont particulièrement touchés. À la fin de l’année 2024, les encours de découverts atteignaient plus de 8 milliards d’euros. Aux angoisses liées à ces situations de précarité s’ajoutent les frais facturés par les banques.

Les frais d’incidents bancaires représentent une charge considérable pour les usagers. En moyenne, un client paie 113 euros par an rien que pour des incidents (découverts non autorisés, rejets de prélèvement, lettres d’information, commissions d’intervention…). Ces frais touchent 8 millions de clients chaque mois et représentaient, en 2019 déjà, un chiffre d’affaires de 6,5 milliards d’euros pour les banques. Leur gestion, la plupart du temps automatisée, ne coûte presque rien aux établissements bancaires.

Selon le rapport annuel de 2023 de l’observatoire des tarifs bancaires pour les départements et territoires d’outre‑mer de la zone euro de l’IEDOM (Institut d’émission des départements d’Outre‑mer), les tarifs bancaires ont augmenté. Les frais bancaires sont donc plus élevés dans les DCOM que dans l’Hexagone. Chaque semestre, l’IEDOM analyse les tarifs moyens pondérés des organismes bancaires. Sur une année, en Guadeloupe et en Martinique, 8 des 14 services analysés ont augmenté. La même tendance est observée sur l’ensemble des territoires d’outre‑mer avec 11 indicateurs en hausse sur 17 observés. En moyenne, chaque service bancaire est facturé entre 5 et 6 euros de plus que dans l’Hexagone.

UFC‑Que Choisir dénonce des pratiques de plus en plus répandues, comme les « minima forfaitaires », c’est‑à‑dire des frais fixes imposés même sur de petits découverts autorisés (moins de 400 euros). Ces frais, appliqués indépendamment du montant du découvert et sans justification économique, remplacent les agios proportionnels et pénalisent de manière disproportionnée les plus modestes.

Du côté des frais courants liés à la gestion quotidienne du compte, on constate une tendance haussière. Entre février 2024 et février 2025, les tarifs bancaires ont continué d’augmenter de plus de 5 % pour les petits et moyens consommateurs, confirmant une dynamique inflationniste inquiétante.

Les plaquettes tarifaires, en outre, restent opaques : elles sont composées de plusieurs dizaines de pages, ce qui les rend illisibles pour les consommateurs. De plus, dans l’enquête de l’UFC‑Que Choisir, sur 15 banques analysées, 6 ne précisent pas clairement les agios minimums.

Le législateur est intervenu ces dernières années pour encadrer ces pratiques, mais les effets restent très limités. Depuis la loi du 26 juillet 2013 relative à la séparation et à la régulation des activités bancaires, les commissions d’intervention sont plafonnées à 8 euros par opération et 80 euros par mois. D’autres plafonds ont été instaurés : 30 ou 50 euros pour le rejet d’un chèque, selon que son montant est inférieur ou supérieur à 50euros ; 20 euros maximum pour un rejet de prélèvement ou autre mode de paiement, sans pouvoir excéder le montant de l’opération refusée.

Ces plafonds sont censés couvrir l’ensemble des frais liés à ces incidents, y compris les lettres d’information ou les commissions d’intervention. Toutefois, leur application réelle reste problématique : les banques appliquent très souvent ces plafonds au maximum autorisé, sans effort de modération ni souci de transparence. De nombreux frais ne font actuellement l’objet d’aucun encadrement. C’est le cas de la lettre d’information pour compte débiteur non autorisé, pouvant coûter jusqu’à 20 euros. En cas de saisie attribution, la somme facturée par les banques s’élève jusqu’à 142 euros.

Une étude conjointe de l’Union nationale des associations familiales (Unaf) et de l’Institut national de la consommation révélait déjà en 2019 que 78 % des clients en situation de surendettement ou d’interdiction bancaire ne profitaient d’aucun plafonnement. Ce décalage entre la loi et la réalité prive des millions de Français d’une protection pourtant prévue par les textes.

Les frais d’incidents bancaires ne jouent aucun rôle sur la compétitivité entre établissements : la majorité applique simplement les plafonds fixés, prouvant qu’ils ne sont pas un levier d’attractivité ou de différenciation. Ils constituent au contraire une rente indolore pour les banques, rendue possible par l’opacité de l’information, la passivité réglementaire, et l’isolement des clients en difficulté.

Dans ce contexte, il est nécessaire de mettre un terme à cette incongruité où les banques se rémunèrent une première fois avec l’utilisation sur les marchés financiers de notre argent, et une seconde avec la facturation de frais fictifs.

Il ne peut y avoir d’équité financière tant que les banques s’enrichissent sur les fragilités économiques de millions de Français. Le rééquilibrage de cette relation asymétrique entre client et établissement bancaire n’est pas seulement une question de justice sociale : c’est une condition essentielle de la cohésion économique du pays.

L’article 1er prévoit la suppression de la majeure partie des frais d’incidents bancaires ou des commissions liées à l’intervention de la banque. Certains frais, pouvant être la conséquence d’une fraude, sont maintenus mais considérablement réduits, dans une limite fixée par décret en Conseil d’État.

L’article 2, en cohérence avec le premier article, abolit les frais liés aux actes de l’établissement bancaire suivant la mise en place d’une saisie administrative. Actuellement, les banques facturent jusqu’à 142 euros cette action, sans aucun rapport avec le coût réel de l’opération.

L’article 3 instaure le plafonnement des frais bancaires courants liés à la gestion normale du compte. Ce plafond est fixé par décret en Conseil d’État à la baisse, au vu des tarifs pratiqués actuellement.

L’article 4 dispose qu’une sanction est prévue pour les banques ne respectant pas les plafonds ou interdictions de frais bancaires. L’absence d’une telle sanction nuit aujourd’hui à l’opérationnalité des plafonds déjà existants.

 

 

– 1 –

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° L’article L. 312‑1‑3 est ainsi rédigé :

« Art. L. 31213.  Les établissements de crédit ne peuvent, en réponse à une irrégularité de fonctionnement ou incident de paiement d’un compte bancaire d’une personne physique n’agissant pas pour des besoins professionnels, sauf cas prévus au dernier alinéa de l’article L. 131‑73, facturer une commission ou des frais supplémentaire tels que définis par la loi, le règlement ou créé par l’établissement de crédit.

2° Le dernier alinéa de l’article L. 131‑73 est ainsi rédigé :

« Par exception à l’article L. 312‑1‑3, les frais de toute nature qu’occasionne le rejet d’un chèque sans provision sont à la charge du tireur. Les frais perçus par le tiré ne peuvent excéder la somme de 15 euros pour le rejet d’un chèque d’un montant inférieur ou égal à 50 euros, et de 30 euros pour le rejet d’un chèque d’un montant supérieur à 50 euros. » ;

3° Le I de l’article L. 133‑26 est ainsi modifié :

a) À la première phrase, les mots : « , au I de l’article L. 133‑10 » sont supprimés ;

b) La seconde phrase est supprimée ;

4° À la seconde phrase du IV de l’article L. 133‑8, après le mot : « frais », sont insérés les mots : « , dont le plafond est fixé par décret en Conseil d’État, » ;

5° Le deuxième alinéa de l’article L. 133‑10 est ainsi rédigé :

« Le prestataire de services de paiement ne peut imputer de frais pour une telle notification à l’utilisateur de services de paiement ».

6° Le quatrième alinéa de l’article de l’article L. 133‑21 est ainsi modifié :

a) Au début, le mot : « Si » est supprimé ;

b) Après le mot : « recouvrement », sont insérés les mots : « , dont le plafond est fixé par décret en Conseil d’État, ».

Article 2

I. – L’article L. 162‑1 du code des procédures civiles d’exécution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La réalisation d’opération nécessaire à la mise en œuvre d’une saisie‑attribution ne peut donner lieu à la facturation de commission ou de frais à destination du client objet de la saisie ».

II. – Le 5 de l’article L. 262 du livre des procédures fiscales est ainsi rédigé :

« 5. La réalisation d’opération nécessaire à la mise en œuvre d’une saisie administrative à tiers détenteur ne peut donner lieu à la facturation de commission ou de frais à destination du client objet de la saisie. »

Article 3

Après l’article L. 312‑1‑2 du code monétaire et financier, il est inséré un article L. 312‑1‑2‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 312121. – Le Gouvernement fixe, par décret, le montant maximum des frais mentionnés à l’article D. 312‑1‑1 du code monétaire et financier qu’un établissement bancaire peut facturer à une personne physique n’agissant pas pour des besoins professionnels. »

Article 4

L’article L. 351‑2 du code monétaire et financier est ainsi rétabli :

« Art. L. 3512. – Les établissements de crédit facturant des frais bancaires excédant les plafonds fixés par le présent code sont passibles d’une amende égale à 100 % du surplus de frais facturés. »

 

Voir aussi sur le même sujet 

Partager l’article